Hier soir mon coloc m'a emmenée à la patinoire éphémère et je crois que c'était exactement ce dont j'avais besoin. Faire des ronds, tourner en rond, comme dans un bocal à poisson. Le froid, la nuit, les lumières des guirlandes, les sourires des patineurs essoufflés et heureux, les mains réchauffées par la tasse de Glühwein. Je crois que c'était exactement ce dont j'avais besoin. Sentir mes muscles pour la première fois depuis mille ans, rire, hésiter, trébucher, garder l'équilibre, glisser, ne penser à rien, se concentrer sur l'équilibre, sur les patins qui serrent les pieds, sur la glace blanche. Patiner en ovale sur une piste rectangulaire. Je crois que c'était exactement de dont j'avais besoin. Ne penser à rien et penser à tout à la fois. A l'absurdité de se cacher sous la couette, à la peur au fond du ventre, à la montagne sur le dos.
En rentrant, j'ai ouvert mon carton à bidules d'épistolaire, celui qui était clos, presque condamné depuis des semaines. J'ai empilé les couleurs sur le matelas orange posé sur le sol. Bien sûr je me suis aperçue que j'avais oublié mes stabilo point 88 en France, et sûrement mille autres trucs chouettes. Mais j'ai sorti les pochettes plastiques remplies de phrases de magazines de toutes les couleurs et de toutes les tailles, j'ai sorti la grande paire de ciseaux violets et j'ai découpé les phrases qui dormaient dans les dossiers de l'ordinateur depuis des lustres en attendant d'être envoyées à leur destinataire. Parce que quand je décide de faire de l'apnée sous couette, c'est le stade le plus grave, celui où je ne touche plus un stylo, celui où si les phrases veulent s'échapper de ma tête, de mes doigts, alors elles doivent être tapées et oubliées dans un dossier, et rien d'autre.
C'était un peu comme le réveil de la Belle au dormant avec les couleurs, la musique, la vie.
Je t'aime ma Léa