C'est un peu comme si je marchais au bord de la falaise. Sur le fil.
J'ai ouvert les yeux, j'ai respiré ta peau. Je voulais tout apprendre par coeur le feu de tes cheveux qui crépite dans le noir, l'arrondi de ton nez, la carte de la constellation de ta peau que tes taches de rousseur illuminent comme mille étoiles, la valse de tes respirations. Je voulais tout mettre dans un baluchon, choisir le tissu qui irait avec tes yeux de magicien, le déposer sur le lit, tout mettre dedans, en replier soigneusement les quatre coins puis l'accrocher sur une branche d'olivier et t'emmener partout avec moi. Je voulais tout savoir au millimètre près pour te recréer dans les moindres détails à l'autre bout du monde. Je voulais que cette minute, celle où j'ouvre les yeux un peu avant toi, dure l'éternité. Il n'y aura plus de matin avant des millions de secondes. J'ai pris l'appareil photo et le flash t'éblouissait derrière le rideau fin de tes paupières closes. Je voulais qu'il t'attrape, qu'il te kidnappe, qu'il arrive à te voler mais tes reliefs lui ont échappé, il ne me reste que des clichés plats, de pales copies de toi, des usurpateurs.